DIVERSIFIER LES ESPÈCES POUR SÉCURISER LE SYSTÈME FOURRAGER
Jouer sur la diversité des espèces et variétés disponibles au catalogue français peut permettre un meilleur étalement de la production des prairies temporaires en vue de bâtir un système fourrager moins sensible aux aléas climatiques.
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LES VENTES DE SEMENCES PRAIRIALES ont enregistré au cours de l'exercice 2012 un net recul, d'environ 30 %. Les conditions climatiques défavorables, au printemps comme à l'automne, ont contraint un grand nombre d'éleveurs à faire l'impasse sur les semis. Cette année, le printemps humide ne s'est guère montré plus favorable. Il faudra donc saisir les fenêtres climatiques propices de l'été (fin août, début septembre) pour renouveler les prairies temporaires en jouant sur la diversité des espèces pour bâtir un système fourrager moins sensible aux aléas climatiques. « Cette réflexion s'est développée dans un contexte de changement climatique, qui s'est traduit par des périodes de sécheresses marquées en été, souligne Julien Greffier, conseiller au Gnis (Groupement national interprofessionnel des semences et plants). Mais, même en situation humide comme cette année, la difficulté à exploiter l'herbe au bon stade montre que miser sur la complémentarité entre les différentes espèces et variétés disponibles au catalogue français permet d'étaler la production de la prairie pour limiter les risques par rapport à un système où l'on ne travaille qu'avec une ou deux espèces (ray-grass anglais-trèfle blanc). » Un système plus sécurisant donc qui consiste à mettre en place des prairies de début de printemps avec de la fétuque élevée, des associations ray-grass hybride-trèfle violet ou ray-grass italien-trèfle incarnat. Ou encore des prairies plus classiques de milieu de printemps reposant sur le RGA et des prairies à base de dactyle ou de fétuque élevée, pour prolonger le pâturage et profiter des repousses dès les premières pluies en sortie d'été, grâce à une meilleure résistance à la sécheresse.
Produire tôt grâce aux espèces et variétés précoces
Sous un climat tempéré de type océanique, l'association RGA-TB reste le profil incontournable du mélange à pâturer pour les vaches laitières. En sols sains et profonds, les variétés tardives à très tardives sont très bien adaptées à la pâture. Elles montent plus tard à épis et remontent peu, ce qui leur offre une plus grande souplesse d'exploitation. Compte tenu des progrès de la sélection sur les RGA diploïdes, on pourra alors s'orienter vers deux tiers de diploïdes et un tiers de tétraploïdes. « Les RGA tardifs assurent une production de fin de printemps. En contrepartie, le démarrage en végétation se fait un peu plus tard, explique le conseiller. Aussi, sur quelques parcelles suffisamment portantes, il peut être intéressant de semer des variétés demi-précoces ou intermédiaires pour pouvoir sortir les animaux plus tôt et étaler la production d'herbe au fil de la saison. Le déprimage répond aussi à cet enjeu mais, dans la pratique, il se fait souvent rapidement sur toute la surface et ne permet pas cet échelonnement de la pousse de l'herbe, sauf à faire du déprimage sur certaines parcelles et pas d'autres. »
Sur des terres très humides l'hiver et séchantes l'été, pour un mélange à pâturer, la fétuque élevée à feuilles souples s'avère un bon complément, en association avec un RGA intermédiaire non-remontant et un trèfle blanc. À l'inverse, sur des terres légères et séchantes, l'association dactyle-trèfle blanc agressif conserve une très bonne appétence, à condition d'accélérer le rythme de pâturage avec des retours toutes les trois semaines pour maîtriser l'épiaison. Pour une utilisation mixte fauche puis pâturage en fin de saison, le couple dactyle-luzerne est une bonne solution. Pour la constitution de stocks (ensilage, enrubannage ou foin), les associations de courte durée RGI-trèfle incarnat ou implantées pour deux ou trois ans de type RGH-trèfle violet produisent tôt en saison et sont parfaitement adaptées dans les conditions climatiques de l'ouest de la France. Le pâturage est aussi possible, à condition que le trèfle violet ne soit pas trop présent. Le trèfle incarnat, non-météorisant, ne pose pas ce problème.
Choisir des espèces résistantes à la sécheresse
Dans un contexte pédo-climatique continental, avec des risques de gelées tardives, ces associations sont à employer avec prudence. « Dans des conditions de froid extrêmes (- 20°C), en l'absence de couverture neigeuse, les RGH et à plus forte raison les RGI risquent de ne pas passer l'hiver, explique Aline Rondot, conseillère en fourrages à la chambre d'agriculture de la Haute-Marne. C'est pourquoi, pour une exploitation mixte fauche-pâture, on privilégiera des mélanges complexes en prenant soin de choisir des variétés dont les précocités à l'épiaison sont équivalentes. Le RGA est toujours présent dans le mélange pour optimiser la pousse de printemps, même s'il cesse de pousser au-delà de 25°C, d'autres espèces vont prendre le relais en période estivale. Sur des terres humides l'hiver et séchantes l'été, on pourra ainsi associer un RGA précoce avec un faible taux de remontaison pour conserver la qualité des repousses feuillues, une base de fétuque élevée tardive à très tardive, un trèfle blanc intermédiaire, du lotier et du trèfle violet. Sur des terres plus séchantes, on misera sur un dactyle tardif, de la luzerne, du TB et du lotier. » Ce type d'association permet d'avoir une prairie mieux adaptée à l'hétérogénéité de la parcelle, de mieux résister aux stress climatiques avec une production de matière sèche plus étalée dans la saison grâce aux légumineuses et de conserver une valeur alimentaire plus régulière sur l'année à travers la complémentarité entre les graminées. À noter un intérêt croissant pour le lotier, légumineuse des zones très séchantes. Peu présente au printemps, elle assure la qualité de la prairie au pâturage, là où le TB a tendance à disparaître. Dans tous les cas, le choix de la composition implique de bien connaître les avantages et les intérêts de chaque espèce.
« Le choix de variétés résistantes à la sécheresse permet de prolonger l'exploitation à la fin du printemps de deux à trois semaines, et de gagner deux semaines sur le démarrage de fin d'été par rapport à un RGA-TB. Au final, c'est presqu'un mois de pâturage gagné pour économiser sur les stocks fourragers », souligne Julien Greffier.
Implanter des couverts valorisables par les animaux
Les couverts végétaux et les cultures dérobées d'été sont également des leviers de sécurisation des stocks fourragers. Au-delà de l'obligation réglementaire, implanter un couvert entre une céréale à paille et une culture de printemps doit être l'occasion de choisir des espèces valorisables par le troupeau. À ce titre, les ray-grass d'Italie présentent l'intérêt de pouvoir être exploités à l'automne et au printemps, pour la fauche ou la pâture. Comme l'utilisation peut être mixte, il est conseillé de mélanger des variétés diploïdes et tétraploïdes et d'associer au RGI, un trèfle incarnat pour améliorer la valeur alimentaire du couvert. Les références obtenues dans le Limousin dans le cadre du Programme structurel herbe et fourrages (PSHF) présentent pour une association RGI-trèfle incarnat, des valeurs moyenne de 0,94 UFL, 99 g de PDIN et 83 g de PDIE/kg de matière sèche, là où le RGI seul affiche 0,88 UFL, 85 g de PDIN et 64 g de PDIE/kg de MS. En situation de déficit fourrager, après un semis de fin juillet-début août, la première coupe peut être réalisée en enrubannage ou en ensilage au bout de soixante-dix jours de végétation. Dans un contexte d'hiver doux, une deuxième exploitation au pâturage est possible, avant une utilisation en fauche ou en pâture en sortie d'hiver. Sur des parcelles portantes, pour ne pas dégrader la structure du sol, le navet fourrager et le colza offrent quant à eux l'opportunité d'exploiter le couvert au pâturage ou en affouragement dès soixante jours après le semis. Ils peuvent être associés à du RGI ou de l'avoine pour favoriser la transition alimentaire et tamponner l'excès d'azote soluble. « L'implantation d'une culture dérobée d'été de type moha ou sorgho fourrager est une solution de secours pour sécuriser les stocks en cas de déficit fourrager, explique Julien Greffier. Mais la réussite de la mise en culture est très dépendante de la pluviométrie en été. Elle ne doit pas être systématique compte tenu du coût de semences et du temps de travail qu'elle implique. »
JÉRÔME PEZON
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